Contradiction ou indécidabilité: il faut choisir! À propos du théorème d'incomplétude de Gödel

“Je suis un menteur”. L’individu qui considère que dans le monde qui l’entoure tout ne peut être que vrai ou faux, ne peut pas statuer sur la vérité de cette phrase. En effet : s’il considère que la phrase “Je suis un menteur” est vraie, alors celui qui l’énonce est un menteur car c’est ce qu’affirme la phrase. Les menteurs ne prêchant que le faux, cette phrase est fausse ; il y a contradiction avec l’hypothèse de départ. s’il considère que la phrase “Je suis un menteur” est fausse, celui qui l’énonce fait partie des menteurs car ce qu’il dit est faux. Mais disant qu’il est un menteur, c’est donc vrai. Cela contredit l’hypothèse sur les menteurs. La phrase du menteur semble ne pouvoir être ni vraie ni fausse. C’est un paradoxe. Le langage naturel autorise ce genre de discours, mais le langage rigoureux des Mathématiques ne devrait permettre d’exprimer que des vérités non contradictoires. Certains mathématiciens et logiciens du début du XX siècle, notamment Russel, Whitehead ou Hilbert ont durement travaillé pour ne plus employer le langage naturel dans les mathématiques. Ils voulaient les formaliser en proposant un système de notation rigoureux permettant d'écrire sans ambiguïté les idées élémentaires et des méthodes de raisonnement qui à partir de ces idées élémentaires démontreront exactement et complètement tous les théorèmes de Mathématiques que le système ainsi formalisé peut produire. Il s'agissait là d'un objectif similaire à celui de Leibniz qui quelques temps plus tôt voulait réduire le raisonnement à du calcul et les paradoxes à des erreurs de syntaxe : “ les chimères ne pourront être écrites en ces caractères ! ” C'est en fait cet objectif qui s'est révélé chimérique lorsqu’en 1931 Gödel démontra que si un système formalisé contient les opérations arithmétiques élémentaires et qu’on le veut non contradictoire alors il existe des vérités qu’il ne peut pas démontrer. Ainsi le paradoxe ne réside pas dans le langage utilisé pour écrire la phrase du menteur, mais dans l’incapacité de déterminer par le raisonnement si elle est vraie ou fausse. L’étude qui suit précise l’environnement dans lequel Gödel a travaillé. Elle devrait permettre d’appréhender les idées essentielles de la démonstration de son théorème d’incomplétude.