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Vingt ans après son premier Manifeste pour la philosophie, où il dénonçait le discours sur la « fin » de la discipline, Alain Badiou se rebelle, cette fois-ci, contre la prolifération et « l’existence artificielle excessive » des nouveaux « philosophes » sur la scène médiatique et leur morale conservatrice, tout en poursuivant sa réflexion sur ce qu’est la philosophie, le philosophe, l’Idée. Qu’est-ce que la vraie vie, qu’est-ce qu’une vie digne de ce nom ? C’est une question à laquelle la philosophie peut donner une réponse ou au moins la forme d’une réponse, estime Badiou dans son Second manifeste pour la philosophie. Une question qui l’amènera à déclarer, à l’encontre de ce qu’il considère comme idéologie dominante de notre époque, que la vie véritable est la vie selon l’Idée, la vie sous le signe de l’Idée. Puis, de poser la nécessité d’un communisme de l’Idée, un « deuxième geste platonicien ». La référence à Platon pour Badiou est fondamentale. Elle est le point commun de ses deux manifestes. Le premier (1989), où il affirmait la continuité de la philosophie ainsi que sa certitude qu’il existe des vérités, pas seulement des corps et des langages. « Il y a bel et bien des principes », réaffirme-t-il dès le premier chapitre de son Second manifeste. Des « choses » universelles – dans l’amour, l’art, la science et la politique – qui sont des vérités, et non des opinions. L’opinion, elle, est propre au sophiste. En deçà du vrai et du faux, elle est une représentation sans vérité dont la seule fonction est d’être communicable. Badiou en est convaincu : le sophiste, ancien ou moderne, est celui qui réduit la pensée à des règles, des conventions ou des jeux de langage, et qui tente, à l’image de Wittgenstein qui est son incarnation moderne, d’évincer l’idée de vérité au profit de l’idée de règle. « À bien des égards, ce qui se présente comme la philosophie est un puissant sophisme », disait Badiou en 1992 (Conditions). Mais de là à penser que le sophiste ne doit pas exister... voilà ce qui serait un dogmatisme qui mènerait au désastre. Au contraire, comme il l’explique dans plusieurs de ses ouvrages, le sophiste est un « partenaire » nécessaire pour le philosophe, son « frère jumeau » qu’il convient de mettre à sa juste place. Ce sophiste moderne, c’est aussi le « démocrate », rappelle le Second manifeste. À travers huit chapitres (Opinion, Apparition, Différenciation, Existence, Mutation, Incorporation, Subjectivation et Idéation), Alain Badiou porte la « suspicion platonicienne » contre la « propagande » du capitalo-parlementarisme et le « dogmatisme » de la démocratie et des droits de l’homme ; de manière générale, contre la morale conservatrice omniprésente aujourd’hui dans la sphère médiatique mais aussi dans bien d’autres domaines, sous couvert du mot « philosophie ». « La ‘philosophie’ est partout », se révolte-t-il. Dans sa ligne de mire :