نام پژوهشگر: ازیتا قائم مقا می
مهسا مرعشی نیا سهیلا اسمعیلی
conclusion tout lecteur de théâtre se doit d’être un metteur en scène en puissance. le texte dramatique est en effet ouvert aux possibles de l’imaginaire ; en l’absence de scène, le lecteur s’invente un parti pris, visualise les personnages en action et donne à l’espace les couleurs, les dimensions et les formes qui correspondent aux caprices de son imagination. or dans ruyblas, hugo démultiplie les potentialités pour le lecteur d’entrer dans la fiction théâtrale. loin d’être enfermés dans la précision des didascales, loin d’être emprisonnés dans la ciselure du vers ou dans les élans contradictoires des héros, ce drame offre de la création romantique une image de variété et d’ouverture. a ce titre, ruyblasressemble à des miroirs qui reflètent les éclats de la poésie hugolienne, où se déploie également un sens du romanesque au service de la scène. la lecture de ce drame est déjà un spectacle en soi. ruyblas marque singulièrement l’histoire de l’art dramatique occidental, puisque les pièces de hugorenouvellent le rapport du public à la scène et offrent de nombreuses alternatives aux metteurs en scène et des choix d’interprétation assez ouverts pour l’acteur. chaque spectateur, selon sa culture, ses goûts et ses habitudes peut y trouver des délices. tout d’abord,ruyblas raconte une grande histoire d’amour. la passion dangereuse, les grands élans romantiques des amours impossibles forment le substrat émotionnel des drames. pour les yeux, l’action se déroule dans une espagne de fantaisie qui fait très vite oublier les banalités de la couleur locale au profit d’une peinture animée de la vie, telle que la souhaitait hugo : ample, contrastée, mobile. a ce titre, les drames satisfont les attentes<< picturales>> du spectateur. mais ruyblas est également un œuvre romanesque : rebondissements, coups de théâtre, péripéties fondent la qualité du suspens de ce théâtre de sensations. ruyblas nous parle aussi des années 1830, c’est pourquoi sa signification historique est moins à chercher du côté de l’espagne de charles ii ou de charles quint que du côté de la france de louis-philippe. en effet, hugo utilise un imaginaire collectif de l’histoire pour mieux évoquer le présent et l’avenir. dès lors, la pièce fédère tous les éléments qui font l’émerveillement théâtral et l’élévation de la pensée, les associant pour fournir un spectacle total : espace, décors, acteurs, costumes,public et texte. cette symbiose que tente hugo dans cette pièce donne une dimension universelle à ses drames. le contenu qu’offre hugo à son lecteur est fait de paysages variés qui trouvent leur unité dans le lien sans cesse réinventé entre le poète romantique et le monde en mutation dans lequel il vit. avec musset, hugo témoigne sur la scène de la place nouvelle de l’homme dans la société. en effet, le destin individuel, tel qu’il est représenté dans ruyblas, se démultiplie dans les visages d’un microcosme fourmillant et place l’héroïsmeà l’échelle humaine. hugo fait le choix très moderne de placer l’individu au centre de son système dramatique, ce qui renvoie le spectateur de 1830 aux modifications politiques et anthropologiques survenues au lendemain de la révolutionfrançaise : depuis 1789, le sujet est devenu citoyen, et cet acquis reste en 1830 l’objet d’une lutte ; c’est cet engagement pour la liberté qui transparaît dans le destin de ruy blas. malgré son échec et son suicide, le héros a mené une lutte contre la toute puissance des grands. l’éthique du drame hugolien, et notamment de ruyblas, interroge ainsi la place de l’individu dans la société. a chaque spectateur d’en prendre acte : ruyblas n’offre pas de leçon au premier degré et le souci didactique que suggèrent les préfaces n’oblitère jamais la dimension artistique, toujours première. c’est d’elle qu’émane l’éventuel<< message>>. c’est à ce titre aussi que l’incarnation littéraire des héros est avant tout le symbole d’un combat mené contre les petitesses d’âme, au nom de la beauté et de la liberté, deux grands mots qui ne sonnent pas creux sous la plumed’hugo. c’est en ce sens que l’exploration de ce drame espagnol lui a permis d’entrevoir le mystère qui relie la force d’une idéeà l’exigence d’une forme que le poète choisit de donner à son théâtreromantique. dans le théâtre des années 1830, les idées s’articulent certes autour de thèmesrécurrents ; mais par sa spécificité, chaque pièce règle son objectif différemment pour saisir le monde et le restituer sur le mode de la fiction. c’est ainsi que la représentation du pouvoir n’a pas tout à fait la mêmesignification dans ruy blas. lecadre choisi, la forme (drame en vers ou en prose), la posture de l’auteur par rapport à son œuvre influent sensiblement sur le contenu du drame, même si certains thèmes se pérennisent d’une pièceà l’autre. au terme d’une étude qui ne prétend pas à l’exhaustivité, il faut encore se demander si ruyblas constitue le point de départ d’une vision nouvelle du théâtre ou bien si la dramaturgie hugolienne, telle qu’elle se déploie dans ce drame, marque l’aboutissement d’une tradition occidentale. ruyblas signe le déclin de ce qu’il est convenu d’appeler le<<drame romantique>>. or c’est cette dénominationgénérique qui mérite sans doute d’être reconsidérée à l’aune de la création hugolienne. ruyblas est certesundrame, mais c’est d’abord un drame hugolien avant d’êtreun drame romantique. l’histoire littéraire, en se focalisant sur les grands titres des années 1830, hernani, lucrèce borgia, lorenzaccio, chatterton et ruyblas, a peut-être rétréci la perception qu’on peut avoir du théâtre romantique qui ne se limite certainement pas seulement au drame. ce drame espagnol se distingue nettement d’autres productions de son temps par sa singularité. au-delà des spécificités propres à chaque pièce des années 1830, ruyblas appartient à ce que les critiques de l’époque nomment <<l’école moderne>>. a ce titre, cette pièce devrait nous inciter à réfléchir au concept même de <<drame romantique>> qui apparaît comme une construction rétrospective. rappelons enfin que ruyblas suscite l’intérêt de la critique et la curiosité du public, or cette pièce s’est maintenue au répertoire, malgré la défiance de la seconde moitié du xx ? siècleà l’égard du théâtre romantique. ce drame survitgrâce aux lectures originales que les metteurs en scène en proposent, et grâce au renouvellement qu’apporte le jeu des acteurs dans la composition des rôles hugoliens. une telle fortune scénique confirme l’ambition universelle du drame, celle d’égaler la pérennité de shakespeare. fleuron du théâtre romantique, parfois méprisé, ce drame n’a jamais cessé d’êtrereprésenté et aimé du public. certes les grands sentiments et les actions extraordinaires peuvent faire sourire quand ils sont envisagés au degrézéro du théâtre et du sens, mais au-delà de quelques visions caricaturales, ruyblas fait le lien entre notre postmodernité et les origines du théâtre. en effet, ce drame rappelle la nécessité politique du spectacle dans la cité et offre, àchaque nouvelle mise en scène depuis sacréation, une vision de l’homme, l’invitant à s’interroger sur sa condition et sur son devenir : o siècle à venir ! quel est donc votre sort ?